
Face à une telle situation, notre responsabilité de pasteur ne saurait rester indifférente et insensible devant les angoisses et souffrances du peuple béninois. Mais disons-le d’entrée, il n’est pas question, dans ce bref message, d’accuser qui que ce soit, encore moins de condamner, de jeter les torts sur le Gouvernement ou sur les autres forces politiques, mais d’appeler les uns et les autres à une prise de conscience accrue de la gravité de ce qui se passe.
Certes, les disparitions jamais élucidées d’enfants, de jeunes et d’adultes dans notre pays, ne datent pas d’aujourd’hui. Mais il est à craindre qu’une telle pratique devienne à terme chez nous, banale et fatale. C’est donc à raison que le cas de ce cadre du Ministère des Finances ait suscité une vive protestation dans l’opinion publique, et naturellement une grande affliction dans sa famille. Et voilà que la commission d’enquête judiciaire vient de nous parler de la découverte de son présumé cadavre dans la banlieue d’Abomey Calavi. Espoir ou illusion ? Il ne nous appartient pas d’y répondre. Mais il est du devoir de tous les citoyens, d’exiger des dispositions et autres procédures d’urgence pour que la vérité soit faite au plus vite sur cette affaire scandaleuse.
La personne humaine est sans prix et sa vie quelle qu’elle soit, mérite protection. C’est pourquoi, cette situation ne peut être acceptée. Si chacun assume sa responsabilité avec honnêteté sous la protection du Droit, nul ne devrait se sentir en insécurité comme cela semble devenir le cas aujourd’hui.
Il ne nous appartient pas de poser ici la question de savoir à qui profitent ces crimes. Notre crainte est de voir précisément banaliser les disparitions ou les assassinats dans notre pays surtout au moment des tensions politiques. Il est évident que les violences et les menaces verbales que nous entendons ici et là de la part de divers responsables politiques peuvent inquiéter et laisser la voie ouverte à toutes les suppositions et à tous les dangers. Cela ne peut nullement favoriser le respect de l’autre, la confiance, la paix et la collaboration pour le Bien commun.
Aucune frustration, encore moins aucune ambition personnelle ne peut autoriser à considérer l’autre comme une menace pour projeter sa disparition physique. La responsabilité de l’Etat est d’assurer la protection des citoyens pour que nul n’attente à leur vie quel qu’en soit le motif. Nous en appelons au Gouvernement pour qu’il mette à contribution toutes ses compétences et ressources afin de retrouver la ou les victimes de chaque enlèvement pour les restituer à la société béninoise. Si le Gouvernement ne prend pas ses responsabilités ainsi que des mesures énergiques, alors nul n’est à l’abri de ces forfaits, que l’on soit du Gouvernement, de l’Assemblée Nationale ou autres.
Cette prise de parole, que nous impose la situation, nous rappelle un grand devoir qu’avait accompli Monseigneur Gantin, notre vénéré père et prédécesseur, alors Archevêque de Cotonou lors de « l’Affaire Taïgla en 1970 » : « l’effusion de sang, disait-il, a toujours révolté notre mentalité dahoméenne, malheureusement moins scrupuleuse à l’égard de certaines façons plus discrètes de donner la mort ». Dieu est l’unique Seigneur de cette vie. L’homme ne peut et ne doit pas en disposer : « De votre sang, qui est votre propre vie, je demanderai compte… à tout homme : à chacun je demanderai compte de la vie de son frère » (Gn 9,5). Nous rappelons à chacun et à tous que dès les origines Dieu nous a confié les uns aux autres (Gn 4,9-10).
En tout état de cause, nous ne pouvons accepter que soit porté atteinte à la vie de l’homme, et par conséquent à sa dignité. La décision délibérée de priver un être humain de sa liberté et de sa vie, demeure répréhensible du point de vue moral et ne peut en aucun cas, être licite. Nous ne pouvons pas non plus assurer un avenir prometteur à notre peuple dans la peur.
Au nom du Christ, qui a versé son sang sur la Croix pour rassembler les membres de la famille humaine dans l’amour, nous vous supplions de ne pas entretenir des sentiments de haine et de violence, mais de pratiquer un dialogue constructif au service de la protection et de la promotion de tous les fils et filles de ce pays.
Voilà pourquoi, nous ne pouvons terminer ce message sans encourager les dirigeants et toutes les forces vives de cette Nation à poursuivre leurs efforts en vue d’instaurer un climat de paix et de sécurité dans nos villes et villages, dans les cœurs et les esprits. Aussi supplions-nous le Seigneur, par l’intercession de la Sainte Vierge Marie, notre Mère, de faire descendre sur chacun et sur nous tous l’Esprit de sagesse et la grâce d’amour vrai pour notre cher pays.
Cotonou, le 1er octobre 2010
En la fête de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus
+ Antoine GANYE
Archevêque de Cotonou
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire